Le journal La Croix, passé en un siècle de « journal le plus anti-juif de France »
à « journal le plus tiède et
bien-pensant de France », s’est associé à la revue Projet, « revue de référence créée en 1907 par les
jésuites » nous dit leur descriptif, pour offrir à ses 80 000
abonnés le numéro spécial de Projet du mois d’octobre, «extrême droite : écouter, comprendre, agir ». Cette mise
en œuvre de moyen kolossaux n’est pas une « croisade », déclare Guillaume Goubert, patron du quotidien, à
BFM TV, mais une invitation à « réfléchir »
que la Croix est dans « l’obligation »
de donner à ses lecteurs avant les présidentielles. Un tel maître en
casuistique ne pouvait que trouver un allié de poids chez les jésuites de
gauche de la revue théorique Projet, « un
lieu de débat accessible et rigoureux » qui a « le souci de la planète, des plus fragiles et
de la vitalité démocratique ». Nous voilà rassurés, nous qui avions
peur que cette revue s’occupât de Dieu, de Jésus et de message évangélique.
Ce numéro, tombé entre nos mains, est un double
scandale : scandale de militantisme para-écclésiastique déguisé en
réflexion théorique scientifique et objective ; scandale d’indigence
intellectuelle, de par le contenu des différents articles, oscillant entre le
poncif de politologue rabaché des milliers de fois depuis trente ans et
l’ineptie stridente des prêcheurs de consignes de vote qui hissent leur chaire
sur leur bonne conscience. Soyons clairs, c’est le Front National qui est la
cible principale de cette revue, et nous n’avons jamais fait mystère de tous
les points de désaccord qui nous séparent de la ligne actuelle des dirigeants
(de certains d’entre eux, à tout le moins) du FN. Il n’en demeure pas moins
que, face à la gabegie criminelle des partis de gouvernement, le Front National
apparaît comme une solution de repli, déjà pour des centaines de milliers
d’électeurs qui font l’effort de croire encore en le peu de démocratie qui
reste pour espérer changer une réalité déliquescente. Des tendances, plus
proches de nos valeurs, essaient d’émerger face à la ligne générale qui aimerait pourtant qu’aucune tête ne
dépasse. Nombre de militants de l’AGRIF ou de Chrétienté Solidarité ont été ou
sont des électeurs, sympathisants ou cadres du FN. C’est donc par devoir de
vérité et de justice qu’il nous faut répliquer au déluge d’inepties que
constitue ce numéro de Projet.
Anathèmes
et bonne conscience
Nous pouvons d’abord lire, dans l’éditorial du rédacteur en
chef, Jean Merckaert, que le « phénomène
[FN] interroge », et qu’il a
« beau jeu d’instrumentaliser ces
légitimes préoccupations » (protection sociale, sécurité, identité,
etc.). C’est une règle d’or en milieu journalistique, le FN instrumentalise
quand les autres partis « proposent
des solutions » et « s’attèlent
au traitement des problèmes », le FN n’est que cynisme calculateur et
machiavélisme froid quand les partis dits « républicains », revêtus de lin blanc et de probité candide,
sont des anges de sincérité et de dévouement. Projet aurait pu attendre
quelques pages avant de prendre ses lecteurs pour des débiles, mais non, dès la
première, en toute générosité évangélique, ils distribuent la bonne foi. Ils
pontifient, l’anathème en bandoulière, nostalgique de la « grande époque » du cardinal
Decourtray, primat des Gaules, et accessoirement ficeleur de fagots contre
Jean-Marie Le Pen et le FN des années 1980. Rien n’a changé : « s’il est nécessaire qu’au nom des valeurs
humanistes ou évangéliques, des autorités morales et religieuses tracent des
lignes rouges à l’attention des indécis […] », s’il est donc
nécessaire que des autorités morales et religieuses, toutes sur le même plan,
Grand Orient et Conférence des Evêques de France, Libre Pensée et CFCM,
prennent un rôle de père fouettard pour donner des consignes politiques, « les condamnations seront vaines ».
Interdire, oui, mais condamner, non. La ligne rouge pour le respect de la vie
en politique, on attend encore que Projet l’appelle de ses vœux. La ligne qui
se dégage dès cet éditorial est que ce sont les questions économico-sociales
qui priment tout, « la faim dans le
monde, le mal-logement et la sortie de l’ère du pétrole », et que ce
sont les pouvoirs politiques et médiatiques qui sont responsables des mauvais
votes des Français, eux qui sont à la fois malléables, bêtes et très méchants.
Ainsi, nous apprenons que « s’ils
[Nda : les pouvoirs politico-médiatiques] nous expliquaient, comme le font certains, le vécu des Erythréens, des
Afghans et des Syriens, plutôt que de représenter le migrant comme une menace,
les réfugiés ne recevraient-ils pas meilleur accueil dans notre pays ? »
Les média, hostiles aux migrants ? En France ? Qui peut sérieusement
affirmer cela, sauf des partisans d’un immigrationnisme sans recul, confits en
naïveté, voyant dans le migrant une hypostase du Pauvre évangélique, aveugles
aux dangers immenses de la tsunamigration que l’Europe subit, aveugles à
l’islam comme idéologie totalitaire. « Si
les images en boucle de faits violents faisaient droit au silence nécessaire à
la prise de recul ou à des initiatives enthousiasmantes, peut-être
s’apercevrait-on que nos peurs sont largement construites ». Même les
sociologues gauchistes hésitent aujourd’hui à employer le fameux argument du
« sentiment d’insécurité »
qui leur a servi pendant vingt ans. C’est dire le degré de cécité qui frappe M.
Merckaert et les rédacteurs de sa revue. Qu’ils aillent faire un tour à
Viry-Chatillon pour voir si nos peurs sont construites, ou à Trappes, banlieue
salafisée, ou à Stains. Qu’ils accompagnent l’auteur de ces lignes dans un
grand supermarché de Drancy, vers 20h. Votre serviteur, qui a bien sûr déjà
fait l’expérience, se ferait un plaisir de leur servir de guide pour leur
montrer, concrètement, ce qu’est le Grand Remplacement et l’islamisation.
L’Evangile
est contre l’assimilation des immigrés, qu’on se le dise !
L’autre grand morceau de ce numéro, au milieu des poncifs de
politologie des inévitables radoteurs Nonna Mayer, Sylvain Crépon et Valérie
Igounet, c’est la tribune intitulée « Aux
chrétiens tentés par le FN », co-signés par sept ecclésiastiques et
laïcs, dont Grégoire Catta, jésuite, le père Duffé, aumônier national de
CCFD-Terre Solidaire, le père Fontaine, aumônier national du Secours
Catholique-Caritas France, ou encore le pasteur Nouis et Dominique Quinio,
ancienne directrice de La Croix. Ces grandes consciences s’interrogent, des
trémolos dans la plume : « […] comment
être d’accord avec un programme politique si manifestement hostile aux
étrangers ? » Ces cosignataires, qui prétendent ne pas « se faire donneurs de leçons »,
affirment que « la responsabilité
politique, en démocratie, consiste à construire ensemble, plutôt qu’à prétendre
"sauver». Qu’est-ce que cela peut bien
vouloir dire ? La démocratie est donc le règne du progrès perpétuel, Eden
retrouvé qu’épargnent les crises ? Ne sommes-nous donc l’objet d’aucune
menace ? Les institutions fonctionnent-elles toutes très bien ? Mais
bon sang, dans quel paradis artificiel de ravi ces gens habitent-ils ? Ils
continuent de plus belle : « Est-ce
vraiment soutenir la famille que de réserver les allocations familiales
"aux familles dont un parent au moins est français", est-ce vraiment
la soutenir que de s’opposer unilatéralement (sic) au regroupement familial ? ». La préférence nationale,
nos familles avant les autres, ce n’est pas assez bien pour nos auteurs, qui
synthétisent ce qui nous sépare irrémédiablement d’eux en une question
magnifique : « Construira-t-on
la France de demain en réservant "la France aux
Français" ? » Il faudrait donc construire la société future
sur la dissolution des Nations, des patries, des enracinements et des
appartenances ? Beau projet évangélique ! Modulons cette
affirmation : construira-t-on l’Eglise de demain en réservant l’Eglise aux
chrétiens ? D’aucuns, dans les franges les plus progressistes du
christianisme, pourraient souscrire à une telle aberration (tout en abandonnant
l’évangélisation !). Il n’est donc pas étonnant que la Grande Dissolution
des nations leur convienne si bien.
Pour finir, la vision qu’ils donnent de l’immigration et de
l’enjeu identitaire synthétise les maux de la pensée tiède et de l’irénisme :
la France qui s’est, bien sûr, faite
par les « apports migratoires
successifs », des chances et des richesses, comme chacun sait, peut
éprouver une certaine inquiétude quand à l’islam, « la visibilité de leurs modes de vie et des revendications étrangères à
nos traditions peuvent être perçues comme menaçantes ». Ouf, merci
pour ce diagnostic percutant ! Mais il faut « poursuivre le travail de l’unité de la nation », car « pour
nous qui croyons en un Dieu Père qui fait de nous des frères et sœurs, et de
toute l’humanité une seule famille humaine, ce défi est même redoublé ».
On passera sur l’application littérale d’un principe théologique au domaine de
la cité terrestre, comme si tout était aussi simple, et la Cité Céleste à
monter en kit. On se consternera sur ce qu’ils appellent « le chemin qu’ouvre la perspective chrétienne »
qui « privilégie leur intégration
[Nda : des immigrés] plutôt que leur
assimilation, pour laisser une place à l’expression des diverses appartenances
culturelles et religieuses, invitées à contribuer au bien de la Nation. »
Depuis quand donc la pensée chrétienne prône-t-elle le multiculturalisme et s’oppose-t-elle
à l’assimilation ? Quelle encyclique, quel nouvel article du catéchisme
énoncent-t-ils de tels principes politiques ? De tels propos sont si
éloignés de toute vérité, si impossible à justifier par quelque preuve ou
argument que ce soit qu’on aimerait avoir les auteurs de cette tribune en face
pour qu’ils tentent de s’en expliquer. Ils ne le pourraient que par des biais
idéologiques qui font d’un christianisme tronqué et truqué un programme
politique ou un critère de choix, qui résume l’Evangile à un catalogue de bons
sentiments et d’intentions sympas,
pavant les chemins de situations politiques infernales.
Tous ces textes sont à mettre en parallèle avec le livret de
la Conférence des Evêques de France, diffusant lui aussi de profondes inepties où le
spirituel voudrait donner sens au temporel mais à contretemps, que Bernard Antony a évoqué sur ce blog et
qu’il analysera en détail dans le prochain numéro de Reconquête. La vigilance et le courage des laïcs chrétiens restent
plus que jamais un devoir.
Pierre Henri