José Manuel Barroso, ancien président de la Commission
Européenne entre 2004 et 2014, vient d’être embauché par le groupe bancaire
américain Goldman Sachs comme conseiller et vice-président non-exécutif de la
branche internationale. Le communiqué officiel de ladite banque se réjouit de
ce que Barroso pourra « apporter une
analyse et une expérience immense à Goldman Sachs, et notamment une profonde
compréhension de l’Europe ». On rappellera, s’il en était besoin, que
Goldman Sachs, incarnant jusqu’à la caricature la financiarisation délirante et
la marchandisation universelle, est au premier rang des responsables de la
crise de 2008, et, détail piquant, a organisé le trucage des comptes publics de
la Grèce à partir de 1997, ce qui a permis à ce pays de rentrer dans la zone
euro avec le brillant résultat que l’on sait. Cela n’empêcha pas Goldman Sachs
de spéculer contre la dette grecque, qu’elle savait vermoulue, et pour cause,
en 2009 et 2010. Cette belle bande de philanthropes a donc engagé Barroso car
elle avait besoin d’un homme au carnet d’adresses étoffé, d’un expert… en
matière de catastrophe économique ?
Les réactions outrées fusent d’un peu partout : « capitalisme de connivence »,
entend-on du FN au mouvement ATTAC, asservissement à la finance débridée,
mépris des peuples européens. Il ne manque plus que « bankster » pour terminer l’inventaire. Ils n’ont pas tort, pourtant
cette connivence entre la finance charognarde et apatride et les autocrates de
l’Union Européenne, pour abjecte qu’elle soit, n’est pas étonnante, ni même
nouvelle. Nous en avions eu un bel exemple avec l’accession à la présidence de
la Banque Centrale Européenne de Mario Draghi, ancien de Goldman Sachs. Ce qui
est véritablement choquant, ce n’est pas que le pouvoir corrompe, c’est une
réalité déplaisante mais vieille comme le monde, ce n’est pas non plus que l’eurocratie
antidémocratique des Barroso, Schultz, Junker et autres soit une pente d’autant
plus raide vers l’immoralité et le mépris absolu envers les peuples qu’ils sont
censés servir, non, ce qui est le plus choquant, sempiternellement, c’est au
fond que la décence ait purement et simplement disparu.
Barroso, on le parierait, dort bien, la honte ne l’effleure
pas. Etre recruté pour « apporter
son expertise » par l’organisme bancaire qui a directement et
gravement nui à l’Union Européenne et à la Grèce, par tricherie, pour un
Barroso, c’est comme pour le maire de Chicago se faire embaucher par Al Capone,
ce qui était d’ailleurs le cas, à la nuance près que ledit maire avait la
pudeur de recevoir ses émoluments sous forme de dessous-de-table, et pas au
grand jour ! Barroso, maoïste dans sa jeunesse, termine dans la logique du
destin des technocrates bruxellois, à griffer du pognon dans l’un des temples
de l’avidité sans bornes, le pognon, entre autres, des peuples européens dont
la Commission qu’il présidait doit, paraît-il, garantir la prospérité. L’indécence
est avant tout une marque de mépris, colossal ici, à la hauteur des gouffres
financiers creusés par les vautours de Goldman Sachs. Une fois encore, prenons-en
acte.
Pierre Henri