mercredi 13 juillet 2016

Barroso à Goldman Sachs : la décence portée disparue


José Manuel Barroso, ancien président de la Commission Européenne entre 2004 et 2014, vient d’être embauché par le groupe bancaire américain Goldman Sachs comme conseiller et vice-président non-exécutif de la branche internationale. Le communiqué officiel de ladite banque se réjouit de ce que Barroso pourra « apporter une analyse et une expérience immense à Goldman Sachs, et notamment une profonde compréhension de l’Europe ». On rappellera, s’il en était besoin, que Goldman Sachs, incarnant jusqu’à la caricature la financiarisation délirante et la marchandisation universelle, est au premier rang des responsables de la crise de 2008, et, détail piquant, a organisé le trucage des comptes publics de la Grèce à partir de 1997, ce qui a permis à ce pays de rentrer dans la zone euro avec le brillant résultat que l’on sait. Cela n’empêcha pas Goldman Sachs de spéculer contre la dette grecque, qu’elle savait vermoulue, et pour cause, en 2009 et 2010. Cette belle bande de philanthropes a donc engagé Barroso car elle avait besoin d’un homme au carnet d’adresses étoffé, d’un expert… en matière de catastrophe économique ?

Les réactions outrées fusent d’un peu partout : « capitalisme de connivence », entend-on du FN au mouvement ATTAC, asservissement à la finance débridée, mépris des peuples européens. Il ne manque plus que « bankster » pour terminer l’inventaire. Ils n’ont pas tort, pourtant cette connivence entre la finance charognarde et apatride et les autocrates de l’Union Européenne, pour abjecte qu’elle soit, n’est pas étonnante, ni même nouvelle. Nous en avions eu un bel exemple avec l’accession à la présidence de la Banque Centrale Européenne de Mario Draghi, ancien de Goldman Sachs. Ce qui est véritablement choquant, ce n’est pas que le pouvoir corrompe, c’est une réalité déplaisante mais vieille comme le monde, ce n’est pas non plus que l’eurocratie antidémocratique des Barroso, Schultz, Junker et autres soit une pente d’autant plus raide vers l’immoralité et le mépris absolu envers les peuples qu’ils sont censés servir, non, ce qui est le plus choquant, sempiternellement, c’est au fond que la décence ait purement et simplement disparu.

Barroso, on le parierait, dort bien, la honte ne l’effleure pas. Etre recruté pour « apporter son expertise » par l’organisme bancaire qui a directement et gravement nui à l’Union Européenne et à la Grèce, par tricherie, pour un Barroso, c’est comme pour le maire de Chicago se faire embaucher par Al Capone, ce qui était d’ailleurs le cas, à la nuance près que ledit maire avait la pudeur de recevoir ses émoluments sous forme de dessous-de-table, et pas au grand jour ! Barroso, maoïste dans sa jeunesse, termine dans la logique du destin des technocrates bruxellois, à griffer du pognon dans l’un des temples de l’avidité sans bornes, le pognon, entre autres, des peuples européens dont la Commission qu’il présidait doit, paraît-il, garantir la prospérité. L’indécence est avant tout une marque de mépris, colossal ici, à la hauteur des gouffres financiers creusés par les vautours de Goldman Sachs. Une fois encore, prenons-en acte.

Pierre Henri