lundi 26 octobre 2015

À propos du synode : pastorale symphonique ou cacophonie doctrinale ?



Ouf ! Ce fut juste pour le pape mais au final un travail globalement bien mené et l’ouverture nécessaire pour la suite du processus.

François a manœuvré son synode avec un bel art jésuitique d’utilisation des lois de la dynamique de groupes : choix habile des participants, juste ce qu’il fallait pour ne pas trop donner l’impression d’une purge par rapport à la première session ; mise en place d’un « noyau dirigeant » d’autant plus efficace que constitué et appuyé par lui, habile à la manœuvre dialectique avec ce cardinal au nom si prédestiné de cet autre allemand : Marx ! (« Thèse, antithèse, synthèse », le synode a bien fonctionné selon le mouvement de l’histoire d’après Hegel et Marx.

Quant à l’action psychologique de promotion de la manœuvre synodale de François, n’a-t-elle pas été menée de main de maître avec une puissante orchestration de soutien médiatique ?

On le vérifie aisément avec l’extraordinaire numéro spécial de Paris-Match aux positions d’ordinaire pas très pro-catholiques. Cette fois, avec force photographies dûment travaillées, le pape a été traité laudativement comme une grande « star ».

Le synode est partout présenté comme une belle réussite de François. Le cardinal Vingt-Trois dont la clarté des propos n’est pas la qualité la plus éminente a pour une fois exprimé d’une manière très compréhensible les motifs de sa jubilation.

L’Église, a-t-il répété, sait aujourd’hui s’adapter à son époque et ne cessera de s’adapter toujours plus à une société en perpétuel changement. Alléluia ! Mais se pose tout de même la question de savoir ce qu’il entend par là ?

 S’il s’agit d’une adaptation pédagogique, rappelons tout de même le génie millénaire de l’Église catholique à communiquer, pour les convertir, avec les peuples les plus divers. Ses missionnaires qui rencontraient avec le même amour toutes les races, civilisations et cultures, des plus primitives aux plus évoluées, ne parlaient évidemment pas de la même manière à de gentils papous un brin anthropophages, avec quelque os de leurs semblables dans le nez et à de très subtils et raffinés mandarins avec leurs ongles si longs et si manucurés, preuve de leur mépris absolu du travail manuel et des travailleurs.

Fallait-il qu’ils soient habiles, patients et pour tout dire inspirés, pour faire passer à ces disciples de Confucius le modèle d’un saint Joseph charpentier ! Chose peut-être plus difficile à faire mandarinalement accepter que le mystère d’être le virginal époux de la Mère de Dieu.

Mais aujourd’hui en fait d’adaptation, beaucoup de hiérarques, tel notre cardinal de Paris, ne laissent-ils pas quelquefois penser qu’il s’agirait plutôt de celle de l’Église et de la morale chrétienne aux mœurs de la société ? 

Non pas que l’Église n’ait pas eu quelquefois à revenir justement sur certaines positions telles que la condamnation des nécessaires dissections de cadavres à des fins médicales ou encore celle de ces pauvres comédiens n’ayant pas droit aux obsèques religieuses. Mais enfin, ce qui semble visé dans les cheminements de l’adaptation selon le cardinal Marx et quelques autres, ne rencontrant guère l’opposition de François, n’est-il pas la reconnaissance d’une autre vision anthropologique de la société et de la personne humaine ?

Ce qui explique bien, jusqu’à la synthèse pontificale du 24 octobre, que des commentateurs plus sérieux que ceux de la presse « pipole » aient eu l’impression d’une cacophonie doctrinale. 

Enfin, quoi qu’il en fut, on nous assure en haut lieu catholique que ce synode s’est achevé sur l’expression de la volonté générale (comme chez Rousseau et les Jacobins) d’une pastorale harmonieusement symphonique. Voire...

Je voudrais ajouter ceci : que l’Église doive se pencher avec sollicitude et affection sur les cas douloureux de certains divorcés, remariés ou non, m’a toujours paru aller de soi. On peut le vérifier en se reportant à mon petit livre d’entretien avec Cécile Montmirail intitulé « Devoir de réponse » et qui était principalement la réplique à Marine Le Pen qui dans son livre « À contre-flots » me prenait à partie sur les questions de l‘avortement et aussi, très injustement, de la discipline de l’Église.

Elle osait écrire : « Divorcée ? Tu n’as rien à faire dans l’Église ! Tu n’aimes pas la messe en latin Tu n’as rien à y faire non plus ! ». Je lui avais répondu que sur la question de la règle de l’Église sur le divorce, elle était bien injuste de s’en prendre à moi (qui ne me suis d’ailleurs jamais intéressé à sa vie privée), que je n’étais ni le Christ ni le pape !

Marine n’était pas très gentille en me présentant comme une sorte d’inquisiteur. Je ne sais où elle en est aujourd’hui sur le plan de sa foi et cela n’a jamais été mon affaire mais j’ai des amis très chers, divorcés et néanmoins toujours très catholiques. L’Église ne les a jamais rejetés mais n’a jamais pu non plus revenir sur l' impératif évangélique de « ne pas séparer ce que Dieu a uni ». Ce qui a été en effet sans cesse rappelé au synode mais avec, selon certains, une grande possibilité d’évolution si bien qu’à la répétition de la doctrine pourrait correspondre l’atrophie de sa réalité…

Il ne me revient pas de me prononcer sur ce point. En revanche, pour ce qui est des discours sur l’Église et l’homosexualité, nous ne pouvons pas ne pas considérer combien tout un pan du clergé, à tous niveaux, semble vouloir regrettablement en modifier la doctrine pourtant à la fois limpide et charitable.

Ne nous leurrons pas, le cardinal Marx et sa camarilla idéologique ne se lasseront pas de « poser des actes », comme ils disent dans leur jargon, tels que le fait accompli finisse, du moins l’espèrent-ils, par devenir le droit. C’est tout l’art de la « praxis ».

Un dernier point : n’ont pas manqué non plus dans les manœuvres de ce synode les tristes procédés de disqualification manichéenne des « non-progressistes » : « conservateurs, réactionnaires », les évêques polonais ! Et à l’égard des évêques africains, certains cardinaux certes pas aussi racistes que Karl Marx, ne se sont pas privés d’exprimer une sorte de commisération condescendante pour leur infériorité, un peu à la manière de Jules Ferry.

Et aussi, de la part de François pourtant si ostensiblement pauvre, charitable, miséricordieux, quelle fulmination à l’égard des membres de la curie, tous atteints, selon lui, sans exception, de graves maladies morales ; et aussi, quelle sévérité goguenarde pour ces religieuses du Vatican désignées par lui, comme l’affirme expressément sa chère Carolina de Paris-Match, « avec des visages de piments trempés dans du vinaigre ». À la relecture, François n’a d’ailleurs pas gommé cela.    

Cela ne rappelle-t-il pas les habiles procédés de dialectisation néo-manichéenne entre les bons et les méchants des films du cinéaste soviétique, Eisenstein ?

Pour ce qui est des valeurs évangéliques aussi, à la boursouflure de leur proclamation ostentatoire, ne peut-il pas quelquefois correspondre une décevante réalité ?