Ouf ! Ce fut juste pour le pape mais au final un
travail globalement bien mené et l’ouverture nécessaire pour la suite du
processus.
François
a manœuvré son synode avec un bel art jésuitique d’utilisation des lois de la
dynamique de groupes : choix habile des participants, juste ce qu’il
fallait pour ne pas trop donner l’impression d’une purge par rapport à la
première session ; mise en place d’un « noyau dirigeant »
d’autant plus efficace que constitué et appuyé par lui, habile à la manœuvre
dialectique avec ce cardinal au nom si prédestiné de cet autre allemand :
Marx ! (« Thèse, antithèse, synthèse », le synode a bien
fonctionné selon le mouvement de l’histoire d’après Hegel et Marx.
Quant
à l’action psychologique de promotion de la manœuvre synodale de François,
n’a-t-elle pas été menée de main de maître avec une puissante orchestration de
soutien médiatique ?
On
le vérifie aisément avec l’extraordinaire numéro spécial de Paris-Match aux
positions d’ordinaire pas très pro-catholiques. Cette fois, avec force
photographies dûment travaillées, le pape a été traité laudativement comme une
grande « star ».
Le
synode est partout présenté comme une belle réussite de François. Le cardinal
Vingt-Trois dont la clarté des propos n’est pas la qualité la plus éminente a
pour une fois exprimé d’une manière très compréhensible les motifs de sa
jubilation.
L’Église,
a-t-il répété, sait aujourd’hui s’adapter à son époque et ne cessera de
s’adapter toujours plus à une société en perpétuel changement. Alléluia !
Mais se pose tout de même la question de savoir ce qu’il entend par là ?
S’il s’agit d’une adaptation pédagogique,
rappelons tout de même le génie millénaire de l’Église catholique à communiquer,
pour les convertir, avec les peuples les plus divers. Ses missionnaires qui
rencontraient avec le même amour toutes les races, civilisations et cultures,
des plus primitives aux plus évoluées, ne parlaient évidemment pas de la même
manière à de gentils papous un brin anthropophages, avec quelque os de leurs
semblables dans le nez et à de très subtils et raffinés mandarins avec leurs
ongles si longs et si manucurés, preuve de leur mépris absolu du travail manuel
et des travailleurs.
Fallait-il
qu’ils soient habiles, patients et pour tout dire inspirés, pour faire passer à
ces disciples de Confucius le modèle d’un saint Joseph charpentier ! Chose
peut-être plus difficile à faire mandarinalement accepter que le mystère d’être
le virginal époux de la Mère de Dieu.
Mais aujourd’hui en fait d’adaptation, beaucoup de
hiérarques, tel notre cardinal de Paris, ne laissent-ils pas quelquefois penser
qu’il s’agirait plutôt de celle de l’Église et de la morale chrétienne aux
mœurs de la société ?
Non pas que l’Église n’ait pas eu quelquefois à revenir
justement sur certaines positions telles que la condamnation des nécessaires
dissections de cadavres à des fins médicales ou encore celle de ces pauvres
comédiens n’ayant pas droit aux obsèques religieuses. Mais enfin, ce qui
semble visé dans les cheminements de l’adaptation selon le cardinal Marx et
quelques autres, ne rencontrant guère l’opposition de François, n’est-il pas la
reconnaissance d’une autre vision anthropologique de la société et de la
personne humaine ?
Ce
qui explique bien, jusqu’à la synthèse pontificale du 24 octobre, que des
commentateurs plus sérieux que ceux de la presse « pipole » aient eu
l’impression d’une cacophonie doctrinale.
Enfin,
quoi qu’il en fut, on nous assure en haut lieu catholique que ce synode s’est
achevé sur l’expression de la volonté générale (comme chez Rousseau et les
Jacobins) d’une pastorale harmonieusement symphonique. Voire...
Je
voudrais ajouter ceci : que l’Église doive se pencher avec sollicitude et
affection sur les cas douloureux de certains divorcés, remariés ou non, m’a
toujours paru aller de soi. On peut le vérifier en se reportant à mon petit
livre d’entretien avec Cécile Montmirail intitulé « Devoir
de réponse » et qui était principalement la réplique à Marine Le Pen
qui dans son livre « À contre-flots » me prenait à partie sur les
questions de l‘avortement et aussi, très injustement, de la discipline de
l’Église.
Elle
osait écrire : « Divorcée ? Tu n’as rien à faire dans
l’Église ! Tu n’aimes pas la messe en latin Tu n’as rien à y faire non
plus ! ». Je lui avais répondu que sur la question de la règle de
l’Église sur le divorce, elle était bien injuste de s’en prendre à moi (qui ne
me suis d’ailleurs jamais intéressé à sa vie privée), que je n’étais ni le
Christ ni le pape !
Marine
n’était pas très gentille en me présentant comme une sorte d’inquisiteur. Je ne
sais où elle en est aujourd’hui sur le plan de sa foi et cela n’a jamais été
mon affaire mais j’ai des amis très chers, divorcés et néanmoins toujours très
catholiques. L’Église ne les a jamais rejetés mais n’a jamais pu non plus
revenir sur l' impératif évangélique de « ne pas séparer ce que Dieu
a uni ». Ce qui a été en effet sans cesse rappelé au synode mais avec,
selon certains, une grande possibilité d’évolution si bien qu’à la répétition
de la doctrine pourrait correspondre l’atrophie de sa réalité…
Il
ne me revient pas de me prononcer sur ce point. En revanche, pour ce qui est
des discours sur l’Église et l’homosexualité, nous ne pouvons pas ne pas
considérer combien tout un pan du clergé, à tous niveaux, semble vouloir
regrettablement en modifier la doctrine pourtant à la fois limpide et
charitable.
Ne
nous leurrons pas, le cardinal Marx et sa camarilla idéologique ne se lasseront
pas de « poser des actes », comme ils disent dans leur jargon, tels
que le fait accompli finisse, du moins l’espèrent-ils, par devenir le droit.
C’est tout l’art de la « praxis ».
Un
dernier point : n’ont pas manqué non plus dans les manœuvres de ce synode
les tristes procédés de disqualification manichéenne des
« non-progressistes » : « conservateurs,
réactionnaires », les évêques polonais ! Et à l’égard des évêques
africains, certains cardinaux certes pas aussi racistes que Karl Marx, ne se
sont pas privés d’exprimer une sorte de commisération condescendante pour leur
infériorité, un peu à la manière de Jules Ferry.
Et
aussi, de la part de François pourtant si ostensiblement pauvre, charitable,
miséricordieux, quelle fulmination à l’égard des membres de la curie, tous
atteints, selon lui, sans exception, de graves maladies morales ; et
aussi, quelle sévérité goguenarde pour ces religieuses du Vatican désignées par
lui, comme l’affirme expressément sa chère Carolina de Paris-Match, « avec
des visages de piments trempés dans du vinaigre ». À la relecture,
François n’a d’ailleurs pas gommé cela.
Cela
ne rappelle-t-il pas les habiles procédés de dialectisation néo-manichéenne
entre les bons et les méchants des films du cinéaste soviétique,
Eisenstein ?
Pour
ce qui est des valeurs évangéliques aussi, à la boursouflure de leur
proclamation ostentatoire, ne peut-il pas quelquefois correspondre une
décevante réalité ?