Les propos du cardinal guinéen Robert Sarah, préfet de la
Congrégation pour le culte divin, recueillis par Jean-Marie Guénois pour le
Figaro de ce jour, me semblent tout à la fois très inquiétants et très
encourageants.
Ils
sont inquiétants parce que si le cardinal s’exprime avec la prudence nécessaire
de langage que requiert sa haute mission et plus encore sa grande
responsabilité d’influence aujourd’hui, il ne dissimule franchement pas la
réalité d’une Église secouée par de graves dissensions au plus haut niveau.
De
même qu’il évoque, dans le livre « Dieu ou rien » qu’il vient de
publier chez Fayard, « un risque d’hérésie » ou de « pathologie schizophrène »,
il affirme qu’une « grande confusion » règne aujourd’hui dans
l’Église où « des évêques et cardinaux affirment des convictions
personnelles qui contredisent l’enseignement de Jésus, l’enseignement du
Magistère universel de l‘Église, le catéchisme de l’Église catholique ».
À ce qu’il semble, le gouvernement de l’Église par
François ne fait donc pas régner l’unanimité.
Mgr
Sarah affirme notamment que « certains manquent peut-être de
prudence dans leur volonté d’être compris de tous ». Plus loin il réitère
l’usage de ce pronom indéfini : « Certains ont suscité des
attentes et des espérances dans le peuple de Dieu, qui irait vers une sorte de
révolution… », « que quelque chose bougerait dans une sorte de
ramollissement de la doctrine ».
Libre
au lecteur de se faire une idée sur ce que recouvre « certains ». On
note aussi dans le propos du cardinal le procédé de réitération de sa
conviction que le Saint-père va « réaffirmer ce que l’Église a toujours
cru », qu’il va réaffirmer la fidélité de l’Église à la tradition et à
l’enseignement qu’elle a toujours promu sur la famille : « Le pape,
insiste-t-il, est le garant de la doctrine. Il a la charge de consolider la foi
de ses frères. Je n’ai aucun doute sur cela ».
Nous,
nous ne pouvons pas ne pas remarquer dans ces phrases comme un procédé
d’insistance, comme si le cardinal visait à nous rassurer mais peut-être à se
rassurer aussi sur les décisions futures de François. Car l’insistance dans
l’assurance n’est-elle pas souvent expressive d’une inquiétude ?
Mais
les propos du cardinal sont en même temps encourageants. Il s’affirme en effet
toujours plus comme une grande voix de l‘Église catholique d’aujourd’hui, avec
toute la force de son enracinement dans les Églises militantes, souffrantes et
souvent martyres : « Regardez vos frères au Pakistan, en Iran, en
Irak, en Afrique qui meurent pour être fidèles aux exigences de
l‘Évangile ! »
Telle
est son exhortation. Ça nous change des postures intellectuelles progressistes
du cardinal Marx qui se croit peut-être, par son nom, prédestiné à faire de la
révolution rouge dans l’Église.
Nous,
nous sommes dans la joie de pouvoir aimer et admirer ce grand cardinal
africain. Et puisque François vient d’annoncer que lui aussi, comme Benoît XVI,
pourrait se retirer, pourquoi ne pas écrire combien nous serions heureux
d’avoir un jour, le plus tôt serait le mieux, un pape noir de langue et culture
française, et surtout de grande clarté catholique ?