Je lis avec attention les articles présentant la réforme
du Vatican que François veut accomplir.
Je
lis aussi les réactions à son projet et notamment celle, très réticente, du cardinal
Gerhard Müller, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi.
Celui-ci, à ce que j’en comprends, met l’accent sur l’erreur qui consisterait à
vouloir réformer à partir d’abord de la question du « pouvoir » alors
que c’est celle du « mystère » de l‘Église et de la
« communion » entre Rome et les Églises locales qui a été à la base
des grandes réformes.
Il
rappelle que dans son histoire, si l’Église a pu dévier de sa mission, c’est
« sous l’influence corruptrice de critères inspirés du pouvoir et du
prestige ». Or François, pour l’heure, a évidemment pour objectif la
réforme des pouvoirs. Toutes choses bien sûr très différentes par ailleurs, les
schémas que l’on présente de ce qui devrait être la nouvelle organisation du
pouvoir et des pouvoirs dans l‘Église me semblent pouvoir être considérés
analogiquement avec ce que firent
miroiter en 1917 les révolutionnaires communistes en Russie.
Leur
slogan mobilisateur fut : « Tout le pouvoir aux soviets », et le
nouvel ordre politique s’appela « Union soviétique ». Ce fut là un
remarquable subterfuge bolchévique d’apparence démocratique ! Rappelons
que « soviet » est le mot russe qui se traduit par
« conseil » ou par « comité ».
Mais
ces soviets, et les soviets des soviets, structurés par empilement
pseudo-« démocratique » jusqu’au « soviet suprême » et
jusqu’au « présidium du soviet suprême » et jusqu’à son bureau
exécutif, ne furent dès l’origine que des émanations sans pouvoir réel de la
hiérarchie parallèle mais hiérarchie véritable du parti communiste et de ses
« noyaux dirigeants » selon les clairs principes léninistes.
Ainsi,
à chaque niveau, la hiérarchie du PC dirigeait ou contrôlait celle des soviets.
Ainsi le politburo était non seulement le noyau dirigeant du presidium du
soviet suprême mais il gouvernait l’ensemble de l‘appareil d’État et toute la
société soviétique.
Dans la structure du gouvernement de l’Église
qui aujourd’hui se dessine selon le schéma de François, le « synode »
n’équivaut-il pas un peu au « soviet », depuis les synodes diocésains
jusqu’aux synodes des évêques et des cardinaux ? Et le
« conseil » des 9 cardinaux mis en place par François n’est-il pas
comme une sorte d’émanation synodale supérieure ?
Dans
les structures de l’Église, les synodes ne sont pas les seules structures
pouvant ressembler à des soviets, il y a surtout, car plus systématiquement
institutionnalisées, les conférences épiscopales.
Selon
ce qui se dessine à Rome, François veut en effet en faire bien plus que des
organes de concertation et de communication. Elles semblent devoir devenir de
plus en plus des instances autonomes de prise de décision et d’expression
théologique, morale et sociale de l’Église.
Synodes
et conférences épiscopales apparaissent ainsi comme pouvant être de plus en plus
des hiérarchies parallèles et donc substituées à la hiérarchie apostolique
traditionnelle de l‘Église.
Mais
dans cette esquisse d’analyse que je propose et qui souffre certes débat et
rectification, il resterait encore en cheminant dans l’analogie à se demander
où sont les structures d’influence, les pépinières de pouvoir et les noyaux
idéologiquement dirigeants.
En
URSS ,c’était celle du « parti intérieur » constitué par l’élite
intellectuelle formée pour la politique par le KGB devenu FSB.
Dans
nos nations, ce sont celles de cercles idéologiques discrets, souvent de
caractère ésotérique et initiatique.
Pour
ce qui est de l’Église catholique, il faudrait être bien niais pour croire que
les fractions idéologiques organisées, qui ont tenacement œuvré au cours du
siècle dernier pour sa radicale subversion, auraient disparu. Au contraire, on
peut penser qu’ils se sont à nouveau renforcés, avec toujours beaucoup
d’approbation jusque très haut dans la partie de la hiérarchie qu’ils
influencent et sans la réaction d’une majorité trop souvent sidérée,
anesthésiée, sans ressort viril.