jeudi 12 février 2015

Vers une réforme ou une révolution structurellement soviétique de l‘Église ?



Je lis avec attention les articles présentant la réforme du Vatican que François veut accomplir.

Je lis aussi les réactions à son projet et notamment celle, très réticente, du cardinal Gerhard Müller, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Celui-ci, à ce que j’en comprends, met l’accent sur l’erreur qui consisterait à vouloir réformer à partir d’abord de la question du « pouvoir » alors que c’est celle du « mystère » de l‘Église et de la « communion » entre Rome et les Églises locales qui a été à la base des grandes réformes.

Il rappelle que dans son histoire, si l’Église a pu dévier de sa mission, c’est « sous l’influence corruptrice de critères inspirés du pouvoir et du prestige ». Or François, pour l’heure, a évidemment pour objectif la réforme des pouvoirs. Toutes choses bien sûr très différentes par ailleurs, les schémas que l’on présente de ce qui devrait être la nouvelle organisation du pouvoir et des pouvoirs dans l‘Église me semblent pouvoir être considérés analogiquement  avec ce que firent miroiter en 1917 les révolutionnaires communistes en Russie.

Leur slogan mobilisateur fut : « Tout le pouvoir aux soviets », et le nouvel ordre politique s’appela « Union soviétique ». Ce fut là un remarquable subterfuge bolchévique d’apparence démocratique ! Rappelons que « soviet » est le mot russe qui se traduit par « conseil » ou par « comité ».

Mais ces soviets, et les soviets des soviets, structurés par empilement pseudo-« démocratique » jusqu’au « soviet suprême » et jusqu’au « présidium du soviet suprême » et jusqu’à son bureau exécutif, ne furent dès l’origine que des émanations sans pouvoir réel de la hiérarchie parallèle mais hiérarchie véritable du parti communiste et de ses « noyaux dirigeants » selon les clairs principes  léninistes.

Ainsi, à chaque niveau, la hiérarchie du PC dirigeait ou contrôlait celle des soviets. Ainsi le politburo était non seulement le noyau dirigeant du presidium du soviet suprême mais il gouvernait l’ensemble de l‘appareil d’État et toute la société soviétique.

 Dans la structure du gouvernement de l’Église qui aujourd’hui se dessine selon le schéma de François, le « synode » n’équivaut-il pas un peu au « soviet », depuis les synodes diocésains jusqu’aux synodes des évêques et des cardinaux ? Et le « conseil » des 9 cardinaux mis en place par François n’est-il pas comme une sorte d’émanation synodale supérieure ?

Dans les structures de l’Église, les synodes ne sont pas les seules structures pouvant ressembler à des soviets, il y a surtout, car plus systématiquement institutionnalisées, les conférences épiscopales.

Selon ce qui se dessine à Rome, François veut en effet en faire bien plus que des organes de concertation et de communication. Elles semblent devoir devenir de plus en plus des instances autonomes de prise de décision et d’expression théologique, morale et sociale de l’Église.

Synodes et conférences épiscopales apparaissent ainsi comme pouvant être de plus en plus des hiérarchies parallèles et donc substituées à la hiérarchie apostolique traditionnelle de l‘Église.

Mais dans cette esquisse d’analyse que je propose et qui souffre certes débat et rectification, il resterait encore en cheminant dans l’analogie à se demander où sont les structures d’influence, les pépinières de pouvoir et les noyaux idéologiquement dirigeants.

En URSS ,c’était celle du « parti intérieur » constitué par l’élite intellectuelle formée pour la politique par le KGB devenu FSB.

Dans nos nations, ce sont celles de cercles idéologiques discrets, souvent de caractère ésotérique et initiatique.


Pour ce qui est de l’Église catholique, il faudrait être bien niais pour croire que les fractions idéologiques organisées, qui ont tenacement œuvré au cours du siècle dernier pour sa radicale subversion, auraient disparu. Au contraire, on peut penser qu’ils se sont à nouveau renforcés, avec toujours beaucoup d’approbation jusque très haut dans la partie de la hiérarchie qu’ils influencent et sans la réaction d’une majorité trop souvent sidérée, anesthésiée, sans ressort viril.