lundi 23 février 2015

Lénine n’est pas immortel !



Le 15 février dernier, jour de l’Épiphanie chez les orthodoxes, ils sont sortis de la cathédrale saint Basile, place Rouge, portant chacun un important bidon d’eau bénite frappé d’une croix.

Le mausolée, où est toujours entreposée la charogne sans cesse resiliconée du grand criminel contre l’humanité Lénine, est à deux pas. Evgueni Avilov et Oleg Bassov les franchissent prestement, sautent la chaîne qui délimite le triste monument et puis en aspergent abondamment la porte d’entrée, hélas pas ouverte à ce moment-là, en proférant d’une voix forte : « Lève-toi et marche ! »

Superbe geste de dérision à destination des nostalgiques du paradis terrestre bolchévique qui affirment toujours que Vladimir Illitch Oulianov, dit Lénine, est immortel. Et puis, mission accomplie, Evgueni et Oleg se laissent sans résistance amener par les vigiles. Cette aspersion s’est soldée par une garde à vue et une condamnation à dix jours de prison.

On dira avec raison que ce n’est pas beaucoup et qu’avant la chute de l’URSS, cela leur eût certainement valu une peine autrement lourde.

La vérité aussi, c’est que si l’actuel maître de la Russie et de ses territoires annexes entend assumer et honorer le passé lénino-stalinien de son empire, il sait fort bien aussi que même si l’on en efface systématiquement les traces, la mémoire des exterminations et des goulags demeure vive chez des dizaines de millions de Russes proches des victimes, plus nombreux que de ceux partisans des bourreaux.

Alors, même si, comme ce dernier samedi, des milliers de ses fidèles ont défilé à Moscou sous une marée de drapeaux rouges, Poutine ne peut réprimer durement d’inoffensifs fidèles de la puissante Église orthodoxe dont le soutien lui est indispensable !

Pour l’heure encore, il est vrai, il n’est pas redevenu obligatoire en Russie de vénérer l’initiateur de soixante-dix ans de régime terroriste et massacreur.

Mais d’autre part, dans le Donbass ukrainien, les partisans dits « indépendantistes », c’est-à-dire en fait pour le rattachement à la Russie, sont, semble-t-il, majoritairement des nostalgiques soviétophiles. Ils sont en effet souvent issus des populations russo-bolchéviques implantées par Staline pour combler partiellement les immenses vides causés par les exterminations de l’Holodomor et des autres massacres de masse.

Certes, Poutine a déclaré en substance que l’effondrement de l’URSS avait été un grand malheur mais que vouloir la rebâtir serait une folie. Son attitude jusqu’ici vis-à-vis de tout le passé de la Russie est donc de l’assumer en bloc, c’est-à-dire de tout glorifier : Lénine et Staline y compris, et la Tchéka aussi, avec son fondateur Dzerjinski, dont la statue est toujours à la Loubianka, l’immeuble central de la continuité, Guépéou, NKVD, KGB, FSB où ont été exécutés, selon les chiffres officiels, plus de cinq millions de victimes. On ne saurait rationnellement reprocher à Poutine d’avoir été un officier du KGB-FSB. Ce fut en effet la pépinière essentielle de la formation des élites soviétiques jusqu’en 1991.

Mais lui, qui avait un jour, deux heures durant, rencontré Soljenitsyne, non sans lui avoir apporté des fleurs, le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas pour le moment accédé à la requête essentielle de ce dernier : enlever la charogne du monstre Lénine de la Place Rouge. Cette dernière n’est d’ailleurs pas du tout appelée ainsi pour une raison révolutionnaire. Elle était ainsi baptisée, bien avant la révolution sanglante, pour la couleur du Kremlin et des autres monuments.

Poutine est certes mieux que notre Clémenceau qui, lui, entendait assumer « en bloc » toute notre Révolution sans étendre cet « en bloc » à toute notre histoire, Ancien Régime compris. Poutine, lui, honore Staline comme Ivan le Terrible.

Or, ne rien occulter de l’histoire ne signifie pas qu’il faille tout en assumer, n’implique pas de tout en approuver. La véritable tradition patriotique ne peut être que critique. Pour ce qui est de l’histoire russe et l’honneur de son peuple, elle implique de rejeter ce que Vladimir Volkoff  a justement désigné comme « la Trinité du Mal » : Lénine, Trotski, Staline.

Soljenitsyne considérait que, tant que Lénine n’aurait pas été enterré ailleurs, ce serait le signe de ce que la Russie ne serait pas encore pleinement libérée. Car de la charogne pourraient toujours se dégager des effluves démoniaques.

En attendant, pour le conjurer, il est heureux qu’Oleg et Evgueni aient largement prodigué de l’eau bénite en ce lieu. Car c’est le meilleur moyen pour conjurer les démons, même ceux du bolchévisme.