J’ai attendu jusqu’à ce jour pour mesurer l’importance ou
la non-importance du traitement médiatique de l’exécution en Corée du Nord de
Jang Song-Thaek. Ce dernier était l’oncle et le tuteur politique de Kim Jong Un
« le grand dirigeant du pays », l’incomparable bienfaiteur de son
peuple et espoir de tous les prolétaires
du monde et des masses éprises de paix et de progrès ».
Et l’on pourrait poursuivre longtemps la litanie
d’encensements pour son « grand timonier » qui caractérise, sans
aucune innovation, l’expression nord-coréenne en toute occasion, dans une
parfaite continuité et similitude avec celle de toutes les grandes
monstruosités depuis un siècle du marxisme-léninisme.
Dans l’indignation, l’exécration, la vitupération, pas
d’originalité non plus : Jang Song-Thaek, a-t-on déclaré à Pyong Yang,
« vipère lubrique » réchauffée sur le sein généreux des héroïques
conducteurs du peuple, s’était rendu coupable « de crimes dont
l’horreur défiait l’imagination ». Il faudrait peut-être envoyer en Corée
les artistes de « L’Infamille » jamais à court d’imagination dans la
perversion.
Aujourd’hui, la grandiloquence, la boursouflure,
l’emphase, le délire du verbe nord-coréen n’entraînent pourtant qu’une rapide
ironie dans nos médias où l’on referme généralement bien vite le dossier de ce
pays.
Il y a deux raisons à cela.
- La première, c’est que des règnes de Staline en URSS à
ceux de Mao en Chine, sans oublier les régimes de moindre superficie
territoriale mais de belle concurrence dans la folie, il s’est trouvé, chez
nous, en France, une continuité de crapules idéologiques au pouvoir dans les
lettres, la culture et les médias, quelquefois pendant toute leur vie publique,
pour se vautrer dans l’ignominie de pareilles incantations de flagorneries, et
d’une pareille abjection dans la haine.
Oui, nos grands intellectuels du parti communiste puis
des autres porcheries de l’extrême-gauche se sont vautrés dans une telle fange
de déshumanisation.
Au premier rang, Louis Aragon, d’une très haute bassesse,
louangeant Staline dans des dithyrambes obscènes, chantant le goulag ,
appelant à l’éclat des fusillades, se vautrant dans la richesse et les honneurs
récompensant son déshonneur.
Et Jean-Paul Sartre bien sûr, lui aussi fantastique
misérable, d’abord artiste existentialiste de la reptation stalinienne, non
sans l’intermède de l‘Occupation où il fut un très complaisant préposé au
divertissement théâtral des distingués officiers cultivés de l’armée allemande
et même des chefs tortionnaires de la Gestapo.
Et puis, passé le temps de la stalinophilie délirante, le
richissime pape des lettres sut à nouveau être sublime de ridicule, toujours
suivi en cela par Simone de Beauvoir, la pourvoyeuse de son harem, dans
l’encensement du monstre chinois, Mao, le plus grand criminel de l’histoire,
celui, il est vrai aussi, que salua comme « un phare de la pensée
universelle » un de nos tristes chefs de l’État, Valéry Giscard d’Estaing.
Sartre, partout adulé dans l’aristocrassie prolo-bobo,
était suivi par toute la clique soixanthuitarde des fils à papa de la glorieuse
pensée maoïste, au premier chef par le sieur Bernard-Henri Lévy qui ne s’en est
jamais repenti.
On comprend ainsi aisément pourquoi on ne peut dans nos
médias, plus gauchistes que jamais, se moquer sans une certaine gêne de la
Corée du Nord. Cela prendrait vite des allures d’auto-dérision.
-
La deuxième raison, chevillée à la première, c’est que s’attarder sur la
terrible réalité du régime nord-coréen, ce serait en quelque sorte offrir comme
une rétro-vision synthétique de toutes les abominations du communisme :
Dictature
totalitaire certes, comme partout, avec son parti inique, sa nomenklatura, son
culte de la personnalité du chef, sa tcheka, ses épurations, ses exécutions,
son système d’esclavage (goulag ou laogaï), mais aussi ses famines organisées
comme jadis en URSS et surtout en Ukraine.
Réalité
d’une horreur à peine très partiellement, très rapidement et très faussement
traitée dans les livres d’histoire ou dans les émissions historiques, une
horreur cent ou mille fois moins évoquée que celle du nazisme.
Or
c’est que presque toutes nos
sphères politiques, médiatiques, culturelles et aussi, ne l’oublions pas,
cléricales et surtout épiscopales, ont été de connivence dans cet
occultationnisme négationniste.
Ainsi,
s’attarder par trop sur nos chaînes sur l’enfer communiste toujours actuel de
la Corée du Nord (il n’est pas le seul ni hélas le dernier) équivaudrait pour
nos chaînes de télévision à tendre le miroir de leurs ignominies idéologiques
et collaborationnistes à ceux de la faune très nombreuse encore des
ostentatoires moralistes marxistes qui nous dirigent politiquement, et nous
dominent culturellement, médiatiquement et même cléricalement. Ce serait
dangereux. La liberté doit être soigneusement contrôlée : certes illimitée
dans le blasphème pornographique, et dans les provocations de l’arnaque
contemporaine, dans la rupture avec toute norme de morale sexuelle ou
familiale, dans la culture de mort ; mais très limitée, canalisée,
surveillée et, autant que nécessaire, réprimée dans l’ordre de la vérité
historique et notamment et surtout dans l’évocation des différents cercles de
l’enfer réalisés dans le communisme.
À
noter que non seulement l’on peut, mais même que l’on doit sans cesse évoquer
la monstruosité d’ailleurs très réelle du nazisme. Mais on ne le peut cependant
qu’à deux conditions : le présenter comme s’il était une abomination
unique et indépassable et ne pas voir combien, tout comme l’exterminationnisme
Jeune-Turc, avant le communiste, il a pris grandement pour modèle le
jacobinisme, premier inventeur de la légitimation idéologique du génocide.
L’évidence, s’impose donc qu’il ne faut toujours pas
trop, chez nous, égratigner la mémoire du communisme.
Et
il n’est pas sans intérêt sur ce point d’observer que l’on attaque aujourd’hui
bien plus Vladimir Poutine que la rouge et terrifiante dynastie des Kim
coréens. Heureux indice, peut-être, et rassurant, que Poutine n’est pas considéré
comme un respectable et rusé continuateur de l’idéal communiste mais plus
peut-être comme un infâme réactionnaire.
Le sort d’Asia Bibi.
Cependant,
pour sortir Asia Bibi, odieusement emprisonnée, des affres d’une geôle
pakistanaise pour crime de fidélité catholique, nulle grande voix ne s’élève.
On est bien obligé, les années passant, de se dire que cela ne recouvre aucune
prudente stratégie d’exfiltration. On dit dans l’Église que, de toutes façons,
elle doit périr. Soit en prison du fait de l’islamisme de ses geôliers ou des
autres prisonniers, soit dehors, du fait de la foule en furie de cet islam qui
est, selon certains chrétiens, ignorants ou déjà soumis, est une religion
d’amour, de paix, de tolérance. Moi, je pense que si Asia Bibi avait été juive,
elle serait libre depuis longtemps. Hélas, il semble qu’il n’y ait pas dans
l’Église catholique une même volonté d’opiniâtre solidarité que celle qui se
manifeste toujours, en pareil cas, dans le peuple juif, à cet égard admirable.
Dernier
point : Centre-Afrique, malgré le général Dary, la vérité tout de même.
De
même que dans tous les commentaires, voici une pleine page 15 aujourd’hui dans
le Figaro sur la division entre musulmans et chrétiens. La vérité, c’est que
ces derniers, constituant l’essentiel de la population et acceptant
paisiblement jusqu’ici la minorité musulmane (10 %) en grande partie immigrée,
a subi et subit encore la terreur de la soldatesque, selon Adrien Jaulmes,
« de plusieurs milliers d’hommes agressifs, prêts à tout… capables de se
livrer à de terribles représailles… haïs par la population ». Une
population qui, redisons-le, refusant de se laisser exterminer ou de passer à
l’islam, s’est défendue, non sans des excès regrettables. Désormais l’article
incroyablement occultationniste du Général Dary sur la ligne « Islam,
connais pas » que j’ai précédemment relevé, fait l’objet de beaucoup de
commentaires ironiques et de supputations sur ses motivations. Mais c’est
ainsi, disent certains, quand on sort de « la grande muette », il
faut encore savoir ne parler que le « politiquement correct »,
c’est-à-dire, notamment, « l’islamiquement respectueux ».
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