Après la manifestation de la Manif pour tous du 23 avril 2013, plusieurs opposants pacifiques au gouvernement avaient été interpellés, gardés à vue 48h, et déférés devant le procureur après une nuit supplémentaire dans les cachots du Palais de justice, pour une prétendue infraction de non-dispersion d’un attroupement après de prétendues sommations de dispersion que personne n’a jamais entendues.
Ce matin venait l’un de ces procès devant le
tribunal. Les prévenus, une femme enceinte et son mari, déjà parents de 5
enfants, étaient soutenus financièrement par l’AGRIF et défendus par notre
avocat Maître Jérôme Triomphe qui a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité
autrement appelée QPC.
Cette QPC, élaborée en concertation avec
d’autres avocats intervenant dans des dossiers similaires, mettait en cause
l’inconstitutionnalité de l’infraction de non-dispersion.
En
effet, les textes qui punissent cette infraction d’un an d’emprisonnement et de
15.000 € d’amende permettent à un simple officier de police de porter atteinte
à la liberté individuelle et à la liberté de manifestation en décidant
unilatéralement, sans même le contrôle d’un juge judiciaire, pourtant gardien
constitutionnel de la liberté individuelle, de mettre fin à un rassemblement
quelconque au motif totalement subjectif qu’il pourrait être
« susceptible » de troubler l’ordre public.
De
même, la loi ne définit en rien quelles sont les modalités d’avertissement des
manifestants d’avoir à se disperser, renvoyant à un simple décret, en violation
de l’article 34 de la Constitution qui ne permet qu’à la loi de définir les
termes d’un délit.
La
défense a notamment rappelé la spectaculaire résolution n° 1947 de l’assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe du 27 juin 2013 qui a condamné fermement les répressions
policières arbitraires commises tant en Turquie qu’en France à l’occasion des
manifestations anti-loi Taubira. Cette résolution a rappelé le droit
fondamental de manifester y compris si les manifestations sont non déclarées ou
interdites et a rappelé que le rôle de la police est de protéger les
manifestants. Cette résolution a réclamé que notamment la France mette son
droit en conformité avec ces exigences.
C’est ici tout l’objet de cette QPC à laquelle le procureur
de la République s’est associé devant son caractère particulièrement fondé. Le
Tribunal de grande instance a ainsi fait droit à cette requête qui va être
examinée dans les 3 mois par la Cour de cassation.
Si
cette QPC aboutit, elle permettra de renforcer la liberté fondamentale de
manifestation tout en mettant fin à un certain nombre d’abus policiers.