mardi 3 mars 2009

"De l’indulgence pour le peuple élu" ? Réponse à un article de Rivarol

I Peuple élu et maçonnerie

Dans l’hebdomadaire Rivarol du 27 février, Marie-Gabrielle Decossas procède à une recension globalement positive de mon livre Vérités sur la Franc-maçonnerie qu’elle qualifie gentiment de "somme". Je l’en remercie.
Mais elle met sur le compte de mon "indulgence pour le peuple élu" le fait, selon elle, que je "privilégie l’origine protestante bien plus que juive" de cette organisation.
Cette affirmation m’invite à réagir sur deux points, non dans un esprit polémique mais dans la seule perspective de la recherche de la vérité.
Très involontairement, je n’en doute pas, car sur le fond cela est injurieux, Marie-Gabrielle Decossas me prête un procédé de détournement de la vérité sur l’origine de la maçonnerie qui, laisse-t-elle entendre, serait donc plus juive que protestante. Et comme à Rivarol, on n’a guère d’indulgence pour le peuple élu, et que l’on n’en a pas non plus, pas plus que moi, pour la maçonnerie, cela revient à dire : vous voyez bien, encore une fois c’est le peuple élu qui est à l’origine d’une mauvaise chose et je dissimulerais donc cela !
Je viendrai tout à l’heure sur ce qu’il faut entendre par « peuple élu » et sur mon "indulgence" à son égard.
Mais d’abord, je note que Marie-Gabrielle Decossas n’esquisse pas le moindre argument en faveur de la prétendue origine juive de la maçonnerie qu’elle sous-entend à l’évidence. Elle ne renvoie à aucune œuvre scientifique sur le sujet, à aucun document, chose nécessaire pour commencer à accréditer une thèse.

Bien sûr, ne confondons pas le corpus des légendes chrétiennes, donc bibliques, de la maçonnerie ancienne proche de celui notre compagnonnage, avec une quelconque influence judaïque. Pourquoi donc aurais-je été gêné de mentionner de telles influences si elles avaient existé, que ce soit sur l’ancienne maçonnerie ou sur la moderne qui se forme au début du 18ème siècle? Si j’étudie par exemple le communisme, je traiterai sans difficulté de l’influence de ses origines juives sur la vie et la pensée de Karl Marx, même dans ses phrases antisémites, ce que j’ai fait dans mon Histoire des Juifs d’Abraham à nos jours.
Et en étudiant la monstruosité exterminationniste du marxisme-léninisme, j’ai également étudié la regrettable participation d’une forte proportion du peuple du Yiddishland à cette entreprise révolutionnaire de mal et de mort, ce qu’ont d’ailleurs admirablement traité et expliqué la remarquable Annie Kriegel et d’autres lucides cerveaux juifs avec elle.
Mais à la lecture de mon livre, on vérifie d’abord que j’évoque les origines catholiques, totalement britanniques, de l’ancienne maçonnerie, comme le font tous les historiens sérieux du sujet. Ni chez Augustin Cochin, ni chez Bernard Faÿ, ni chez Léon de Poncins, ni chez Pierre Gaxotte, ni chez Jacques Bainville, ni chez Pierre Chevallier, on ne trouvera la moindre affirmation d’une origine juive. Tous les historiens qui, comme eux, se sont penchés peu ou prou sur le sujet, ont considéré comme moi le phénomène de subversion de la vieille maçonnerie catholique opérative en une maçonnerie spéculative, d’affirmation simplement déiste, avec sa charte fondamentale des Constitutions d’Anderson. James Anderson était pasteur de l’Eglise presbytérienne d’Ecosse. Mais, comme l’a admirablement présenté Bernard Faÿ, le grand inspirateur de la maçonnerie moderne, dont Anderson n’est que l’élève, est John Théophilus Desaguliers, fils d’un pasteur huguenot de la Rochelle et lui-même pasteur anglican, au demeurant grand disciple de Newton.
L’autre grand cerveau de la maçonnerie, auquel Faÿ consacre une importance prépondérante, est l’anglo-américain Benjamin Franklin, homme clef à la fois de la révolution américaine et de la synergie maçonnique entre Philadelphie, Londres et Paris.
Avant la révolution, en France, en Angleterre, en Amérique, les juifs sont vraiment très peu nombreux et aucun d’eux ne joue un rôle important, rien ne le signale, dans la création de la Grande Loge d’Angleterre en 1717. Il n’y a pas un seul juif dans la célèbre loge des Neuf Sœurs qui jouera un rôle essentiel dans la causalité idéologique et efficiente de la Révolution française avec des hommes comme Mirabeau, Sade, Montgolfier, Chamfort, Lacepède, Pilâtre du Rozier, Guillotin et aussi Franklin séjournant à Paris, Voltaire enfin. Rappelons encore que ni Rousseau, ni Diderot, ni Montesquieu, ni Condorcet, ni Robespierre, ni Marat n’étaient juifs...
Voilà au passage pour les obsessionnels de la cause unique, de la sempiternelle reductio ad judeos si intellectuellement reposante pour ajouter tous les péchés du monde à tous les péchés d’Israël ! Je défie donc Marie-Gabrielle Decossas d’apporter le moindre début de commencement de preuve à la thèse d’un rôle un temps soit peu important de quelque juif dans les débuts de la maçonnerie. Mais bien sûr, comme j’en ai traité, il en sera bien différemment par la suite, après la Révolution, au XIX° siècle.
Quant à leur influence sur la maçonnerie américaine de Franklin et de Washington, elle sera très longtemps totalement nulle. La maçonnerie américaine est "wasp". Elle est blanche, anglo-saxonne, protestante. Ni les catholiques, ni les noirs, ni les juifs n’y sont admis. Voilà pourquoi, les noirs créeront leur propre grande loge (Prince Hall) et les juifs se doteront en 1843 d’une organisation propre, inspirée de la maçonnerie mais non strictement maçonnique : les B’naï B’rith.
Ajoutons ici qu’un des plus grands théoriciens américains de la franc-maçonnerie est le célèbre Albert Pike, général sudiste, puis un des créateurs du Ku-Klux-Klan et très invocateur du symbolisme luciférien.

II Mon indulgence pour le peuple élu ?

Il conviendrait d’abord de préciser ce que l’on entend par "peuple élu". D’abord pour un catholique comme moi, le peuple juif est élu par Dieu dans son dessein pour la rédemption des hommes. On est là bien sûr au cœur du mystère chrétien: mystérieux pour les chrétiens, et encore plus radicalement incompréhensible pour les non chrétiens.
Ce peuple avec la prédication du Christ se scindera en deux :
- d’une part ceux qui verront en Lui le Fils de Dieu
- de l’autre ceux qui le considéreront au mieux comme un prophète, au pire comme un imposteur. Et parmi eux, certains manieront les pires injures jusqu’à nos jours, comme le grotesque bouffon de la télévision israélienne Lior Shlein.
Ma position à l’égard du peuple élu n’est pas du tout personnelle. Elle est celle de l’Eglise catholique et le fondement en est simplement l’Epître aux Romains de Saint Paul, un des textes les plus fondamentaux du christianisme après l’Evangile. Nous y lisons notamment que "tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas le véritable Israël". En ce sens, le peuple élu est depuis le Christ constitué par l’ensemble des juifs et des gentils (les membres des peuples non juifs) qui l’ont suivi, c’est-à-dire les chrétiens. Mais, ajoute plus loin Saint Paul, les juifs toujours "sont aimés à cause de leurs pères. Car les dons de Dieu sont sans repentance".
Cela fonde l’attitude des chrétiens à l’égard des juifs. Ils ne peuvent mépriser leur peuple. Comme à l’égard de tous les hommes, ils ne peuvent avoir qu’un a priori d’amour et souhaiter notamment leur conversion au Christ. Mais ils ne peuvent avoir aussi qu’une considération plus particulière pour ce peuple à l’égard de qui "les dons de Dieu sont sans repentance". Ceci bien évidemment interdit tout racisme antisémite. C’est le peuple du Christ et de sa mère, des apôtres et de bien des saints comme Thérèse d’Avila jusqu’à Edith Stein. Rappeler cela ne relève nullement d’une indulgence préférentielle, encore moins de je ne sais quelle attitude d’inconditionnalité.
Car les juifs peuvent, dans le reniement, être exécrables à la hauteur du refus de leur élection, à la hauteur de leur athéisme, de leur révolte, de leur refus du Décalogue.
Non, je n’ai vraiment aucune attitude d’indulgence pour les très nombreux massacreurs juifs tchékistes et kagébistes du bolchevisme ; ni pour les intellocrates juifs de gauche ou un Enrico Macias si antinationalistes en France et si fanatiquement nationalistes en Israël.
Je n’ai aucune indulgence particulière pour l’extrême droite raciste israélienne de Liebermann pas plus que pour les racistes néo-nazis des groupuscules européens. Et je n’en ai pas d’avantage pour les islamistes dont ils sont les compagnons de route.
Mais je ne puis certes avoir pour le peuple juif, comme pour tous les peuples qui ont subi une entreprise exterminationniste, qu’une compassion et une compréhension particulières. S’efforcer de comprendre l’autre, même s’il est parfois exaspérant, c’est tout simplement une attitude chrétienne et même simplement humaine.
J’ai à l’égard du peuple juif la même attitude qu’à l’égard du peuple arménien, et des autres peuples chrétiens quasi anéantis par la cruauté effroyable des Jeunes-Turcs francs-maçons, et la même encore qu’à l’ égard de tous les peuples massacrés par la barbarie rouge. Pour autant, je sais bien qu’il y a certes de belles fripouilles parmi les juifs comme parmi les arméniens, mais il y en a aussi chez nous !
Je trouve simplement odieux de charger Israël de tous les péchés du monde. Le Christ est mort pour les péchés de tous les hommes.
Pour ce qui est de l’exterminationnisme nazi, comment le nier ?
Comment peut-on en réduire l’importance avec la légèreté et l’apparente sécheresse de cœur, du moins à l’entendre et à le lire, d’un monseigneur Williamson ? Juste pour esquisser ici ce que fut l’irréfutable monstruosité nazie, il suffit de considérer leur attitude à l’égard des slaves que déplorait, dans Rivarol même, l’écrivain collaborationniste Lucien Rebatet. Il rappelait comment furent traités les Ukrainiens, accueillant en libérateurs les troupes allemandes...
Comment s’étonner alors de leur cruauté contre les Juifs que les nazis haïssaient bien plus encore que les slaves. Ils employèrent donc tous les moyens de la barbarie humaine moderne à exterminer les juifs dans les camps ou dans les massacres perpétrés par les Einsatzgruppen. L’historien de droite André Brissaud a consacré à cela des pages difficilement réfutables.
Le fait de rappeler ces choses, de considérer les juifs selon la doctrine de Saint Paul, de Saint Bernard, de Pie XI, de Pie XII, de Jean-Paul II et de Benoît XVI entraîne certains à me traiter de suppôt des juifs et d’autres de juif moi-même !
Parmi ces fanatiques, un ancien médecin, plus ou moins fou ou agent provocateur islamiste, considère en effet cela comme une injure et me l’applique. Or je serais très fier d’être un catholique issu du premier peuple élu, de la race humaine du Christ et de la Vierge Marie. Mais ce n’est pas le cas. Je suis cependant tout aussi fier de mes racines séculairement françaises. Car à vrai dire, sans orgueil pour moi-même, je ne mets rien comme communauté humaine au-dessus de la patrie française que je considère comme la plus harmonieuse, la plus douce des civilisations jamais façonnées en ce monde, avec ses multiples racines ethniques et civilisationnelles, grecque, latine, biblique, celte, germanique.
Cela dit, toujours pour répondre à Marie-Gabrielle Decossas (aux si beaux prénoms bibliques), si je n’ai pas en effet beaucoup d’indulgence intellectuelle pour Mgr Williamson, je trouve exécrable que lui-même et bien d’autres, tombent seuls sous les coups des lois de police de la pensée à destination unique.
J’ai maintes fois exprimé cela :
- d’une part, ces lois ont un effet pervers, elles entraînent le soupçon à l’égard d’une vérité que l’on veut stupidement préserver par la terreur ;
- de l’autre, elles sont profondément discriminatoires, et même racistes.
Car seul le négationnisme du génocide des juifs est puni alors que ceux des génocides perpétrés par la révolution française, par l’islam au Liban en 1860, par les Jeunes-Turcs en 1915, par le communisme de 1917 à nos jours ne le sont pas. De plus, la négation de ces génocides, aussi monstrueux que l’abomination nazie, s’effectue lâchement par un insupportable mémoricide, par une absence quasi-totale d’évocation dans les livres scolaires et dans les médias.
Pour ma part je considère que l’on doit réfuter les négationnistes de tous les génocides et non les persécuter. Cela est plus digne d’un sens véritable de la liberté intellectuelle. Et surtout la réfutation est plus efficace que la persécution.
Hélas, Mgr Williamson, sortant totalement de son rôle, a contrevenu d’évidence à la vérité, (200 000 morts juifs seulement !) mais il a servi aux pires ennemis, intérieurs et extérieurs, de l’Eglise du Christ, il leur a fourni le plus formidable prétexte à une campagne de haine anticatholique utilisant tous les procédés de mensonge et d’amalgame de la désinformation, il a offert à nos ennemis la caricature idéale dans laquelle ils veulent camper les catholiques convaincus.
Nous ne le jugeons pas. Nous jugeons simplement avec tristesse l’immense tort que ses propos causent à Benoît XVI et surtout à l’unité et à la vérité catholique. Nous trouvons triste aussi la tiédeur du catholicisme traditionnel dans la réplique, sans doute par manque de caractère et encore plus par ignorance. Il ne suffit pas en effet de prier sur les routes des pèlerinages pour répliquer aux campagnes de désinformation.