Un amendement parlementaire propose d’inscrire dans la Constitution de la Ve république l'appartenance des langues régionales au patrimoine de la France.
Lundi dernier, l’Académie française s’est élevée contre ce projet estimant qu’il portait atteinte « à l’identité nationale ». Cette étonnante et discutable condamnation des sages de la Coupole mérite quelques remarques.
Premièrement, on comprend mal de quelle façon les langues régionales pourraient nuire à l’identité française. Ces langues existaient pour la plupart avant l’avènement de cette identité, elles ont participé à sa construction, à son enracinement et continuent de le faire. La France n’est pas une entité monolithique et uniforme comme le voudraient les idéologues et les technocrates. Il faut être un révolutionnaire ou un jacobin forcené pour nier cette évidence. Si l’on suit le raisonnement des académiciens, le restaurateur de la langue provençale, Frédéric Mistral, devrait être exclu des grandes figures de l’identité française. Cela serait pour le moins gênant. Ce n’était pas l’avis de Charles Maurras, reçu à l’Académie en 1939, bien que disciple élogieux du Maître de Maillane.
« Depuis plus de cinq siècles, la langue française a forgé la France », affirment les académiciens, faisant là un raccourci historique des plus singuliers. Mes ancêtres lorrains ne disaient-ils pas dans un excellent français « Français ne puis, Allemand ne veut, Lorrain je suis »…
D’autre part, il semble que l’identité française soit aujourd’hui menacée par d’autres périls que la langue bretonne, alsacienne ou corse, que les patois de Lorraine, de Picardie ou de Touraine. Les académiciens devraient commencer par balayer devant leur porte, eux qui, dans la plus récente édition du dictionnaire de l’Académie française, ont fait entrer, outre des anglicismes (bookmaker, browning…), des mots tels que keffieh ou darbouka (arabe), ikébana et kabuki (japonais), halva ou encore kébab (turc).
Alors messieurs les académiciens, pour ce qui est de l’identité française, pas de leçons s’il vous plait !
Yann Baly
NB : J'apprends par Ouest-France ce commentaire de l'académicien Michel Mohrt : " Les déclarations de l'Académie n'engagent qu'elle, pas les 40 académiciens, constatait-il sobrement, hier soir. Je dois d'ailleurs préciser que nous n'étions pas du tout unanimes sur ce sujet..." Ouf ! Il était surprenant que les immortels formés à bonne école tels que Michel Mohrt, Michel Déon, Jean Dutourd ou Félicien Marceau se soient fourvoyés dans cette triste aventure.