jeudi 8 avril 2021

Élections présidentielles : la perniciosité du mode de scrutin actuel

Nous avons largement le temps pour décider si nous voterons ou si nous nous abstiendrons, l’an prochain, pour la prochaine élection du président de la République française. Au premier tour ? Au deuxième tour ? Cela dépendra bien sûr de l’éventualité ou non d’un candidat crédible défendant dès le premier tour des propositions fondamentales de la droite de conviction, pour le moins, d’un candidat « acceptable » au second tour.

Quoi qu’il puisse en être, un des critères dictant notre vote pourra être celui de l’intention de réforme du mode de scrutin. Voici nos raisons :

On pourrait longtemps disserter sur les raisons qui ont finalement conduit le général de Gaulle à faire adopter par référendum, le 28 octobre 1962, une modification du mode désignation du chef de l’État. Lui-même, après avoir été porté au pouvoir par l’Assemblée nationale à la suite du coup d’État du 13 mai 1958, avait en quelque sorte régularisé sa situation en se faisant élire, le 21 décembre 1958, selon la Constitution de la IVe République, par un collège de 82 000 grands électeurs

Dans son livre, à la fois désopilant et très réfléchi, « Une nouvelle ère : le coronalithique », notre ami le professeur de Droit, Jean-Claude Martinez, a exposé que, contrairement à ce qui est souvent invoqué, le général de Gaulle, élu pour 7 ans, ne voulait pas d’un remplacement de ce mode de scrutin par une élection au suffrage universel. Martinez cite sur ce point les propos de Michel Debré rapporté par son fils, Jean-Louis Debré, dans son livre « Les idées constitutionnelles du général de Gaulle ».

On y lit : « À Matignon où il m’avait convoqué, dans la semaine qui suivit le vote de la délégation de pouvoirs, le général me parla du mode d’élection du président de la République. Le suffrage universel fut évoqué pour être écarté ».

Et plus tard, le 13 juin 1958, dans une réunion constitutionnelle tenue à Matignon, le général réitère : « Il n’est pas souhaitable que le président soit élu au suffrage universel ».

Jean-Louis Debré poursuivait : « Longtemps, il a souhaité que la désignation du président soit le fait d’hommes responsables… surtout maires, conseillers généraux ou municipaux, d’hommes au contact de la vie politique, économique et sociale du pays. Il voyait dans un tel collège électoral une garantie de sérieux et se méfiait du risque, dans un système d’élection au suffrage universel, d’emprise des partis politiques, à l’instar de l’exemple américain, sur les candidats à la présidence ».

Nous objecterons, pour notre part, que ce n’aurait pas été la première fois que de Gaulle aurait changé de position… En l’occurrence, ce ne fut pas une trahison mais une chose regrettable. Martinez explique ainsi le revirement du général : « Ce qui est sûr, c’est qu’il ne s’est converti à l’élection au suffrage universel que sous le choc de l’attentat du Petit-Clamart et simplement pour raison de tactique politique, sentant que la guerre d’Algérie finie, les grands électeurs de 1965 pourraient ne plus l’élire ». Le second argument nous parait plus plausible que le premier.

Quoi qu’il en soit, la réforme ne s’avéra pas excellente pour de Gaulle qui, lors de l’élection de 1965, fut mis en ballotage au premier tour (43,7 % des voix) et ne l’emporta au second, face à Mitterrand, qu’avec 54,8 %, faible score pour un tel candidat.

Ce qui est évident, c’est que la réforme n’a pas permis le bienfait que certains en attendaient, à savoir l’élection d’un personnage, principalement en raison d’un soutien populaire, beaucoup moins par l’influence des partis ou des lobbies. Car, force est de constater qu’aucun des successeurs du général ne fut porté à l’Élysée sans le soutien des partis (PS pour Mitterrand et Hollande, Républicains indépendants pour Giscard, RPR pour Chirac, UMP pour Sarkozy). Et Raymond Barre et Édouard Balladur ont vérifié ce que c’était que de se lancer dans la course présidentielle sans le soutien de l’appareil d’un grand parti.

On nous objectera l’actuel cas de Macron qui a été élu sans parti et qui s’efforce d’en créer un, puisqu’il le faut bien pour avoir une majorité à la Chambre. Sans parti peut-être mais non sans lobbies ! Car la candidature de Macron a été puissamment propulsée par ce que l’on peut appeler « le parti de la finance » qui est aussi le parti de la haute administration, le parti étatique, le parti jacobin de la technocratie ?

Toujours est-il que l’élection du président de la République au suffrage universel est devenue comme une addiction politico-médiatique, accentuée, de surcroit, par la réduction voulue par Chirac, de la durée du mandat de 7 à 5 ans. Si bien qu’à peine une élection accomplie, les médias et les instituts de sondage s’affairent aussitôt sur la suivante, et de plus en plus, tout au long de la période. L’élection présidentielle occupe ainsi une place démesurée dans la vie politique alors que les débats se dévaluent en commentaires sans fin des sondages et du « marketing » des candidats.

Pour une part, la perversion du système tient à la réduction des programmes politiques en des positionnements « vendables » ; les candidats étant dissuadés ou se dissuadant de défendre des idées et propositions trop peu « porteuses ». Un corps électoral de « grands électeurs » (dont la composition pourrait certes être plus large que celui qui élisit le général de Gaulle), serait sans doute globalement mieux à même de juger des propositions des candidats. Moins susceptible peut-être de se laisser démesurément influencer par les bombardements des médias du néo-totalitarisme.

Y aura-t-il quelque candidat à la présidence de la République refusant de se soumettre aux diktats et tabous de la culture de mort sur les questions sociétales ? Un candidat qui parlerait sur des sujets essentiels comme un Houellebecq sur l’euthanasie ? Y en aura-t-il pour vouloir vraiment secouer le joug liberticide de l’eurocratie bruxelloise et refuser aussi toute complaisance pour l’impérialisme islamo-ottoman ? Ce serait là un important signe de renouveau.